robinsonnades.

(...)

ED: la transformation?

BL: oui, la transformation.

ED: ça aussi c'est une chose qu'on ressent fort dans robinsonnades, la transformation.

BL: oui je pense que les femmes aiment bien transformer, ... comment parfois en étant enfermées dans un quotidien par des petites choses il y a l'idée de transformer de fabriquer, d'entretenir, d'adoucir, enfin de rendre confortable, d'accueillir en fait. On transforme, moi j'aime bien transformer et puis pour ne pas se lasser aussi.

ED: ça me fait associer très librement au côté sorcière dont tu parlais.

BL: ah oui, ça c'est mon rêve de pouvoir transformer comme une magicienne. Justement ce personnage, un peu sorcière, elle aime bien transformer et … et quoi? ... (silence).
Elle va faire les mêmes actions du quotidien de la femme, elle va les faire de façon extra-ordinaire. Elle va les faire à sa façon comme ça, quand elle balaie elle va s'envoler, comme l'idée de la sorcière avec son balai. Elle va du coup donner un autre point de vue, justement. Et puis la sorcière elle est importante aussi comme je le te le disais, parce que c'est la première à construire la maison, c'est pas le côté mystique, c'est le lien avec la maison. Il y a aussi l'autonomie, elle part, elle se sépare des autres, elle va dans la forêt pour vivre, elle fait sa cabane elle est indépendante, autonome, elle va chercher ses herbes, elle fabrique ses médicaments donc elle devient dangereuse. (...)

BL: de ceux qui en ont pas, 

ED: de ceux qui en ont pas,

BL : c'est vrai que l'on a besoin, je crois, tout de suite, de se construire une cabane, une protection mentale et physique, mais mentalement dés qu'on nait, dés qu'on n'est, on est dans ces questions là. Sinon je sais pas, on se sent, nu, fragile, ...comment on dit, je cherche un mot?

ED: vulnérable,

BL: voilà c'est ça, vulnérable, complétement, c'est marrant je trouvais pas ce mot tiens et pourtant comment l'oublier? C'est pratique d'oublier des fois, la mémoire sélective c'est fascinant aussi

ED: ca nous protège?

BL: oui ça nous protège, ça fait partie de ces murs, ceux d'une cabane par exemple ca fait une cloison. Et puis après il y a aussi une histoire à l'intérieur même de la cabane, en fonction de comment c'est fait, le labyrinthe par exemple pour aller jusqu'à un endroit où l'on va se baigner dans l'eau on va se mettre nu à priori on se baigne nu, … avec l'idée de cette mélusine, cet endroit privé qu'on doit pas...

ED: je me demandais comment à partir de l'idée d'intérieur/extérieur tu explorais d'autres univers?

BL: je crois que ...l'idée de la répétition est importante. Même si c'est chaque fois différent. On peut faire cent fois le même geste, ce sera jamais vraiment le même. Mille fois le même geste ne sera jamais tout à fait pareil. Pas le même moment, pas le même ton, pas le même bruit derrière. Enfin il y a pleins de petites informations comme ça qui sont différentes. Donc c'est sans fin, c'est l'enfermement, c'est être dans l'enfermement aussi parfois. C'est en même temps triste mais il y a aussi une notion de creuser à l'intérieur pour s'échapper dans l'enfermement.
On peut très bien se déplacer sur place ou rester sur place en se déplaçant, c'est ça qui m'intéresse aussi, c'est les contradictions. Les paradoxes, les contradictions, c'est là ou ça crée le mouvement justement pour moi. Ce qui rate aussi, j'aime bien ce qui rate. Enfin je dirais, il faut voir ce qui rate. Ce qui fait beaucoup rire par exemple, chez les comiques comme Buster Keaton, j'aime beaucoup ça par exemple c'est quand on se plante, Charlot quand il se prend le poteau c'est quand même très violent, ça fait mal et c'est là qu'on se met à rigoler. Le truc de la répétition et le truc du cassage de gueule, j'aime beaucoup ça.

ED: comme dans Hhop?

BL: oui c'est vrai dans hhop, elle se casse la figure la maison lui tombe sur la tête, ce sont des choses qui arrivent malheureusement, on le vérifie encore. Ce sont des choses qui traversent le temps. On a beau évoluer, avoir les moyens de... en fait ce sont toujours les pauvres qui se prennent les trucs, enfin c'est autre chose. Hhop c'est une femme, comme tu dis elle a une silhouette avec les cheveux qui remontent comme dans les années 60 donc elle se prend sa maison sur la gueule, elle essaye de monter dessus, elle se met à l'envers. Mes personnages à chaque fois il faut qu'ils se mettent à l'envers, pour changer de point de vue, renverser les choses. C'est aussi pour ça que le son aussi est en reverse, il est inversé. Hhop ca devient phooo -p'

ED: comment tu dis? (rires)

BL: P-hooop', c'est un son étranger, un truc qui vient d'ailleurs. Et donc après ca lui tombe dessus, et elle essaye de se reconstruire, de se refaire une maison, de se rétablir et puis une deuxième fois elle se la prend sur la gueule, c'est la même image pas très positive mais c'est fait exprès.
...

BL: (...) Etre en conscience de quelque chose. Prendre la mesure. C'est pour cela qu'elle est souvent en pendule comme ça, elle prend la mesure du temps ou elle donne une mesure du temps, elle propose une autre mesure du temps à l'envers comme ça. C'est pour un peu se soulever, comme le baron, pas mettre le pied par terre. Et voir les choses différemment être dans un autre rapport au temps et aux choses, sortir de l'enfermement quel qu'il soit, de pensée, de doctrine, de gestes encombrants, trop … quotidiens (haha)

ED: Et pour revenir sur robinsonnades. Comment l'as tu pensé pour l'espace de Angle.

BL: Alors, Angle c'est la maison qui fait de l'angle, euh … Angle c'est la maison qui fait l'angle. D'où le nom Angle art contemporain. J'ai aussi appris que devant la maison, à la place du parvis c'était un petit jardin, abandonné, un espèce de petit terrain vague, petit et que ça avait été squatté. Et avant elle était une maison de village, habitée. je ne sais pas qui habitait avec ce petit jardin. Et ensuite la ville l'a prêtée à l'association. Donc je trouvais ça intéressant de travailler in situ, de faire une installation qui permettent une vie dans une maison, la retransformer en maison cette galerie. Donc j'ai essayé de faire, comme il y a plusieurs étages, comme une maison de village classique avec un escalier. J'ai un petit peu organisé les espaces comme les pièces d'une maison, même si c'est pas très bien défini. Donc il y a l'espace d'une chambre et d'une salle de bain. Après le reste c'est pas forcément en rapport avec une maison classique. Mais là l'espace d'intimité, la chambre donc le rêve et la salle de bain donc l'eau, c'est au milieu de la maison, c'est central. Je trouve ça intéressant de le vivre comme ça, comme une maison telle qu'elle est, faire un lien avec ce qu'il s'est passé. 

ED: un peu comme lui redonner son identité de départ, par cette expérience

BL: en tout cas en parler, être en lien avec

ED: est ce que tu savais que nous les psys, on dit que la maison peut être considerée comme une représentation consciente ou non de son corps, tu savais ça? Les enfants quand ils commencent à dessiner des maisons, il y a toute une symbolique, ils leur font des yeux à la place des fenêtres...

BL; mais les fenêtres sont les yeux des maisons, c'est godart qui dit ça, mais c'est vrai. Tu as raison quand on est petit, on dessine les yeux et le nez c'est la porte.